Lors de cette grande migration vers Beijing, Tamerlan, le conquérant mongol, avec ses cavaliers se trouvaient à des milliers de kilomètres de là dans les prairies du nord-ouest et se dirigeaient vers les plaines centrales mettant une nouvelle fois en danger le nord de l'empire des Ming. Au moment même où l'empereur Yongle s'apprêtait à organiser la défense et à livrer bataille, Tamerlan mourut de maladie. Un grand conflit fut ainsi évité.
En juin 1405, lorsque le vent soufflait du nord-est, l'empereur Yongle nomma Zheng He, un de ses eunuques, commandat d'une flotte pour une expédition maritime hors du commun. Le principal objectif de ce voyage était de démontrer au monde le pouvoir de la dynastie Ming, mais d'aucuns disent que l'un des objectifs de ce voyage était de trouver les traces de l'empereur disparu, Jianwen.
En août 1406, alors que la flotte dirigée par Zheng He était déjà en mer, un événement s'est produit dans le Palais impérial de Nanjing. Zhu Di en fut fort réjoui.
Nous ne saurons jamais si cela eut lieu suite à une suggestion indirecte de l'empereur Yongle ou suite aux suppositions des ministres qui avaient déviné la volonté de l'empereur. Quoi qu'il en soit, un groupe de ministres dirigés par Qiu Fu suggéra qu'un nouveau palais soit construit à Beijing pour l'usage de l'empereur Yongle et de ses ministres. L'empereur Yongle accueillit très favorablement la suggestion.
C'est ainsi qu'un immense projet commença.
L'empereur Yongle envoya ses favoris et des hommes de confiance aux quatres coins du pays pour effectuer les préparatifs de cet immense projet. Il y avait notamment : Son Li, Ministre du Conseil des Travaux ; Shi Kui, Vice-Président du Conseil des Affaires Personnelles Officielles et Gu Pu, premier Vice-Président du Conseil des Revenus. Ils se rendirent dans les montagnes du Sichuan, du Hunan, du Hubei, du Guangdong et du Guangxi.
Leur tâche consistait à acquérir du bois de nanmu. Ces arbres se trouvaient dans des endroits dangereux, des forêts vierges où vivaient des tigres, des léopards, des serpents, des boas et d’autres animaux. En dépit du danger, les fonctionnaires et les ouvriers se rendirent dans les montagnes pour couper des arbres nanmu et beaucoup y perdirent la vie. Il y a une expression pour décrire cette activité dangereuse : « 1000 hommes se rendent dans la montagne et seulement 500 en reviennent vivants. »
Ceci est une vue de l’intérieur du Hall de l’Harmonie suprême dans la Cité interdite. Les colonnes à l'époque Yongle étaient en bois de nanmu, mais celles que l’on voit aujourd'hui ont été assemblées sous les Qing à partir de bois de sapin. Ces photos prises durant la rénovation du palais impérial en 2004 montrent combien il est difficile de transporter de gros blocs de bois même en utilisant des méthodes modernes. Comment dès lors expliquer que de plus grandes quantités de bois de nanmu aient été transportées jusqu’à la Cité interdite il y a cinq siècles ?
Envoyé dans le Sichuan, Song Li, Ministre du Conseil des Travaux, rapporta à l'empereur une scène incroyable : « Lors d'une pluie torrentielle, un grands tronc de bois qui dévalait la montagne a fait un bruit de tonnerre en heurtant un immense rocher. Ce dernier s'est brisé en deux mais le bois est resté intact. » L'empereur Yongle appela alors la montagne où avait eu lieu cet épisode la montagne du « Bois divin ». La plupart du bois venait du Sichuan, du Guizhou et du Hubei était transporté à Beijing via les fleuves et les canaux.
La coupe du bois pour la construction du nouveau palais sous Yongle dura 13 années. L'exploitation des carrières pour obtenir des pierres pour la construction du palais était aussi très difficile.
Derrière le Hall de la Préservation de l'Harmonie, on trouve la plus grosse pierre Danbi du Palais impérial sculpté à partir d'un seul bloc sous la dynastie Ming. Comment des pierres d'une telle taille étaient transportées jusqu'à la Cité interdite ? Selon les documents historiques, ces pierres provenaient des faubourgs du sud-ouest de Beijing : Dashiwo à Fanshan et Qingbaikou à Mentougou. Depuis la dynastie Ming jusqu'à nos jours, de gros blocs de marbre blanc sont extraits de ces sites. Les archives historiques de la dynastie Ming expliquent comment cette immense pierre située derrière le Hall de la Préservation de l'Harmonie fut extraite puis transportée à Beijing. Plus de 10.000 ouvriers et 6.000 soldats participèrent aux travaux d'extraction, mais le transport jusqu'à Beijing fut encore plus difficile. Plusieurs milliers d'ouvriers travaillèrent à l'élargissement des routes, remplirent les crevasses et creusèrent un puit tous les cinq cents mètres. Au cœur de l'hiver lorsqu'il faisait très froid, l'eau était tirée de ces puits et répandue sur les routes qui étaient transformées en patinoires facilitant ainsi le transport du bloc de pierre. Il fallut 28 jours, 20.000 ouvriers et 1.000 mules pour amener ce bloc de pierre jusqu'à la capitale. D'énormes efforts furent déployés pour transporter à la Cité interdite les grosses pierres qui étaient destinées à revêtir le chemin réservé à l'empereur, à savoir l'axe centrale du Palais impérial.
Selon les études menées par des experts et des chercheurs, la préparation des matériaux de construction pour l'édification du palais dura presque 10 ans.
Pendant ces dix ans, Beijing était devenu le principal et le plus animé des chantiers de l'empire Ming. Cette bande dessinée en trois dimensions reproduit des moments de la construction de la Cité interdite à cette époque. Certains sites ont gardé leur appellation jusqu’a aujourd'hui. Mais peu de personnes sont mentionnées nominalement dans les archives historiques. On dit qu’à cette époque il y avait plus d'un million d’ouvriers travaillant à la construction du palais. Seuls les noms de quelques heureux élus tels que Wan Shun et Hu Liang, deux artisans du Shanxi, sont encore connus. Lors de sa tournée d'inspection du chantier, l'empereur Yongle remarqua des dessins colorés. Il posa la main sur l'épaule de Wang Shun et le félicita pour ses qualités d'artiste.
En 1406, Chen Gui, Prince de Taining, fut nommé directeur général en charge de la construction du palais et de la transformation de la ville de Beijing. Dans un des décrets impériaux de Yongle adressés à Chen Gui, l'empereur écrit: « Vous devez bien traiter les soldats et les ouvriers travaillant sur les chantiers et des efforts doivent être déployés pour avoir des horaires réguliers pour les repas, le travail et le repos. Les ouvriers ne devront pas faire d’heures supplémentaires. Vous devez garder à l'esprit mon souci pour le peuple. » Chen Gui fut le superviseur des travaux jusqu'à sa mort en 1419 avant la fin de la construction de la Cité interdite.
Selon les archives historiques, plus de 20 ouvriers et artisans participant à la construction de ce projet furent promus : l'un d'eux était un vieux menuisier et s'appelait Jin Hang. On retrouve aussi le nom d'autres tels que Lu Xiang, responsable de la taille des pierres, et Cai Xin, responsable de l'artisanat.
Voici Zhongnanhai dans le Beijing d'aujourd'hui. Avant la fin de la construction de la Cité interdite il y a plus de 6 siècles, la résidance de Zhu Di, Prince de Yan, et son palais temporaire étaient situés au nord-ouest de cette zone. A partir de 1409, Zhu Di vécut ici pendant ses tournées d’inspection. Entre 1409 et 1421, il résida durant une période de 5 années et 8 mois à Beijing : le pouvoir politique, militaire et administratif de la dynastie Ming fut graduellement transféré vers le nord. Wang Fu, un peintre qui avait suivi Zhu Di à Beijing, est l'auteur des Huit grandes vues de Yan, une peinture réalisée avec des traits de pinceau délicats et doux. On peut y admirer de beaux paysages et les coutumes de Beijing. Habitant dans les faubourgs de Beijing, les travailleurs immigrés et les familles de militaires défrichèrent la terre, ce qui augmenta la production agricole. Avec le temps, Beijing devint de plus en plus importante pour cette dynastie. Entre 1410 et 1414, l'armée de Zhu Di stationna à Bejing. A deux reprises, Zhu Di alla livrer bataille au-delà de la Grande Muraille pour battre les Mongols qui menaçaient Beijing depuis de nombreuses années. Après avoir gagné une bataille, il passait en revue ses troupes.
Au moment où il tentait de transférer sa capitale à Beijing, l'empereur perdit l'être qui lui était le plus cher : l'impératrice Xu, sa première femme. Zhu Yuanzhang avait été l'artisan de cette union. Où devait-il faire enterrer sa première femme ? La tombe devait en principe être construite à Nanjing, mais Zhu Di envoya en secret un ministre et un spécialiste en feng shui à Beijing afin d'identifier l'endroit idéal pour la construction d'un mausolée. Deux ans plus tard, Zhu Di fit publier un édit imperial désignant un endroit précis pour la construction du mausolée situé à 10 km au nord de Chanping et connu aujourd'hui sous le nom de Tombeaux des Mings. La décision de Zhu Di de faire construire la tombe de l'impératrice Xu à Beijing était un message clair donné aux ministres que l'empereur souhaitait transférer sa capitale à Beijing.
A partir de ce moment, un certain nombre de ministres soumirent des requêtes écrites à l'empereur pour exprimer clairement leur opposition au transfert de la capitale à Beijing. Peu de temps après, Zhou Wenbao et Wang Wenzhe, ministres administratifs en charge des affaires civiles au Henan, et Chen Zuo, un conseiller, furent exilés à la campagne pour y travailler comme paysans. Il n'est donc pas étonnant que les autres ministres témoins de cet incident ne se soient plus opposés à la décision de l'empereur.
Rédacteur: Juliette
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