La Cité interdite Ⅴ - Entre l´Etat et la famille ⑴

Au cours de l’hiver 1888, des jeunes filles venues des quatre coins du pays se réunirent dans le jardin impérial. Elles savaient toutes que l’une d’entre elle deviendrait l’impératrice de la dynastie Qing.

Les impératrices et les concubines de différents rangs des empereurs chinois étaient issues surtout de familles nobles ou puissantes. Cependant, la consolidation du pouvoir impérial au travers d’alliances avec des familles nobles débouchait souvent sur de graves crises politiques. Le premier empereur de la dynastie Ming, Zhu Yuanzhang, changea donc les coutumes et décida que l’impératrice et les concubines de l’empereur devaient venir du peuple, ceci afin d’éviter que les membres de la famille de la mère ou de l’épouse de l’empereur ne s’accaparent le pouvoir.

Sous la dynastie Qing, les impératrices et les concubines de l’empereur étaient surtout sélectionnées parmi les belles filles de familles privilégiées appartenant aux bannières. Sous le règne de l’empereur Shunzhi, il fut décrété que toutes les filles entre 13 et 17 ans de tous les fonctionnaires d’origine mandchoue, mongole et han qui appartenaient à une bannière devaient participer au concours de beauté qui se tenait tous les trois ans. Une de ces filles serait choisie pour être l’impératrice tandis que les autres lauréates deviendraient des concubines de l’empereur. Cette sélection était aussi utilisée pour trouver des femmes pour les fils et les petits-fils de la famille impériale et même pour la famille élargie de l’empereur. Si une fille n’avait pas été choisie à 17 ans, elle pouvait se marier ailleurs. Le système était tellement strict qu’il assurait les privilèges de mariage de la famille impériale élargie.

Après plusieurs sélections et évaluations, cinq heureuses élues avaient atteint l’étape finale. C’était la fille de Guixiang, le frère cadet de l’impératrice douairière Cixi, deux filles de Dexin, gouverneur du Jiangxi, et deux filles de Changxu, assistant du ministre des Rites. Mais aucune d’entres elles ne savait que la femme qui se tenait derrière l’empereur était la seule à pouvoir décider de leur sort.

Tang Guanqing, un eunuque présent à la cour, donna une description détaillée de la sélection de l’impératrice et des concubines de différents rangs pour l’empereur Guangxu : « La sélection s’est déroulée dans le Hall de l’Harmonie manifeste. Un sceptre en jade et deux petits sacs brodés furent préparés à l'avance. La fille qui recevrait le sceptre en jade serait l’impératrice, celles qui recevraient un des petits sacs brodés seraient concubines. L’empereur s’était approché de l'aînée des filles de Dexin et s’apprêtait à lui donner le sceptre en jade. Au même moment, l’impératrice douairière Cixi éleva la voix, « Empereur ! » Elle indiqua que le sceptre en jade devait être donnée à la fille de Guixiang. Guangxu n’avait pas d’autre choix que de suivre la suggestion de Cixi.

Cixi obligea Guangxu à choisir une fille qu’il n’aimait pas, car elle craignait que les filles de Dexin ne lui causent des ennuis si elles devenaient concubines de l’empereur. En effet, il était probable qu’elles feraient tout pour gagner la faveur de l’empereur. Cixi n’autorisa donc pas Guangxu à choisir lui-même les concubines, mais lui ordonna de donner les petits sacs brodés aux deux filles de Changxu.

La fille dont Guangxu était tombé tout de suite amoureux n’avait donc été choisie ni comme impératrice, ni comme concubine. La nièce de Cixi devint impératrice et les deux filles de Changxu devinrent les concubines Zhenfei et Jinfei. Leur destin changea en un instant.

Impératrice ou concubines de l'empereur, ces femmes étaient divisées en différents rangs et vivaient dans différents halls. Sous la dynastie Ming, il y avait douze rangs. A partir du règne de l’empereur Kangxi, l’impératrice et les concubines étaient classées en huit rangs : l’impératrice, l’honorable épouse impériale, deux honorables concubines, quatre concubines impériales et six concubines impériales du troisième rang. Il y avait trois rangs de concubines en dessous du quatrième rang, elles s’appelaient les Dames nobles, les Dames en attente et les Dames soumises. Leur nombre n’était pas fixé. Toutes ces femmes formaient le harem de l’empereur mais le nombre de concubines variait énormément. L’empereur Kangxi avait 79 concubines tandis que l’empereur Guangxu n’avait qu’une impératrice et deux concubines.

Qui deviendrait l’impératrice, la maîtresse des quartiers d’habitations ? Lorsque le prince héritier ou le jeune empereur se mariait pour la première fois, il ne décidait pas seul. C’était son père ou sa mère, l’impératrice douairière, qui avait le dernier mot. La fille qui devenait impératrice n’était donc généralement pas la plus belle mais celle qui reflétait le mieux l’équilibre des pouvoirs en place.

Le vingt septième jour du premier mois du calendrier lunaire en 1889, lorsque la cérémonie de mariage de l’empereur Guangxu débuta officiellement, l’impératrice Longyu quitta en chaise à porteur la maison de ses ancêtres pour la Cité interdite.

La chambre nuptiale se trouvait dans le Palais de la Tranquillité terrestre, l’ancien palais des impératrices de la dynastie Ming. Depuis le début de la dynastie Qing, ce palais était utilisé pour offrir des sacrifices aux dieux pendant les fêtes. Mais lorsqu’il y avait une grande cérémonie de mariage à la cour, la Chambre de la Chaleur de l’Est devenait la chambre nuptiale, le lieu où le couple à peine marié devait passer trois jours. C’était le jour où l’empereur Guangxu devenait époux, mais il devenait surtout le véritable souverain de l’empire.

L’impératrice douairière Cixi avait déclaré qu'elle cesserait de « gouverner de derrière le rideau » après la cérémonie de mariage. L’empereur Guangxu avait attendu ce moment pendant 15 ans.

Le soir du 5 décembre 1874, Zaitian, qui n’avait que 4 ans, fut emmené dans la Cité interdite. Quelques heures auparavant, l’empereur Tongzhi était mort de maladie à l’âge de 19 ans en ne laissant aucun héritier. Zaitian quitta sa maison confortable et devint l’empereur Guangxu, inaugurant un règne qui devait durer 34 ans.

Situé dans la partie orientale du Palais impérial, le Palais de la Culture du Succès, était un lieu de résidence pour les princes héritiers sous la dynastie Qing.

Lorsque Guangxu eut cinq ans, on lui apprit comment devenir un empereur. La salle de classe du jeune empereur était dans le Palais de la Culture du Succès

Les princes héritiers sous la dynastie Qing pouvaient vivre jusqu’à l’âge de 10 ans avec leurs parents dans les quartiers d’habitations de la Cité interdite. Ensuite, ils devaient quitter ces quartiers pour aller vivre pendant un moment dans le Palais de la Culture du Succès ou dans les trois halls situés dans l’aile sud. Après avoir reçu le titre de prince, ils devaient quitter la Cité interdite et établir leur propre résidence. Les souvenirs les plus mémorables des princes héritiers étaient sans aucun doute ceux liés à la période d’apprentissage.

Dès l'aube, le prince héritier commençait à apprendre à écrire des poèmes et à lire les classiques confucéens sous la supervision de ses professeurs. De plus, un professeur lui apprenait la langue mandchoue tandis que d’autres lui enseignaient l’art de monter à cheval et le tir à l’arc. Il devait étudier ou s’entraîner jusqu’au crépuscule.

La dynastie Qing n’épargnait aucun effort pour éduquer les princes héritiers. La famille impériale avait sans doute appris quelque chose de l’expérience des familles impériales de la dynastie Ming. Bien que les princes héritiers de la dynastie Ming aient été censés sortir et recevoir des cours, le système n’avait pas été mis en place. Mais la plupart administrèrent de manière suivie les affaires de l'Etat même si les 12 empereurs Qing étaient différents l’un de l’autre en terme d’aptitudes et de chance. Cette gestion suivie des affaires de l'Etat doit être attribuée au système d’enseignement pour les princes héritiers. C'est ainsi que Guangxu acquit de l'expérience jour après jour.

Bien que cette petite cour dans la Cité Interdite ne soit pas particulièrement attrayante, elle attire beaucoup de touristes. En effet, depuis le règne de l’empereur Yongzheng des Qing, elle servait de chambre à coucher impériale.

Voilà la seule chambre à coucher impériale qui subsiste en Chine aujourd’hui. Elle n’a pratiquement pas changé depuis l’empereur Guangxu .

Beaucoup de visiteurs sont surpris qu’elle soit très petite. Les premiers architectes de la Cité interdite avaient prévu d’en faire une halte pour un bref repos. Après avoir été élevée au rang de chambre à coucher de l’empereur, son intérieur fut décoré et meublé luxueusement pour refléter la dignité du fils du Ciel. Selon les archives, il y avait 724 objets répertoriés comme mobilier dans le Hall de la Méditation la deuxième année du règne de l’empereur Tongzhi.

Emission de CCTV-F

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