La Cité interdite Ⅷ - Les jades de la Cité interdite (2)

Le périple du gigantesque bloc de jade des monts Mileta, au Xinjiang, ne s’arrêtait pas à la Cité interdite, car il allait être sculpté à Yangzhou, une ville dans le sud de la Chine. A l’époque, si l’atelier de la cour avait trop de travail pour sculpter un gros bloc de jade, la cour impériale l’envoyait à Suzhou ou à Yangzhou. Ces deux villes étaient alors les principaux pôles économiques de la Chine et possédaient une longue tradition de fabrication d’objets en jade qu'elles ont gardée jusqu'à nos jours.

YANG BODA, ancien vice-président du Musée du Palais

A mon avis, si la fabrication d’objets en jade a connu son apogée

sous le règne de l’empereur Qianlong,

c’est parce que plusieurs centres de fabrication coexistaient

à Suzhou, à Yangzhou, à Nanjing et à Hangzhou.

C’était la première fois dans l’histoire chinoise

qu’une dynastie disposait simultanément

de plusieurs centres de production de jade prospères.

La technique de sculpture du jade avait atteint la perfection à Yangzhou sous le règne de l’empereur Qianlong. A l’époque, un nombre important de sculptures en jade raffinées avec décor ajouré étaient apparues sur le marché. Certaines furent présentées à l’empereur Qianlong en guise de tribut mais l’empereur critiqua la production de ce type d’objets en jade et donna l’ordre d'en arrêter la fabrication. Il estimait que ce type de récipient en jade était inutilisable et que la beauté originale du jade était gâchée lorsque la pièce était ainsi ajourée et évidée. En fait l’ordre de l’empereur ne concernait que l'interdiction de fabriquer des objets extravagants en jade. Cet objet en jade vert est un trésor fabriqué dans les ateliers impériaux selon les instructions de l’empereur Qianlong. Il symbolise le retour à la pureté et à la simplicité originelle du jade.

Il fallut trois mois pour envoyer le gigantesque bloc de jade jusqu’à Yangzhou ; l’empereur Qianlong fit le commentaire suivant : « Si nous utilisons ce gigantesque trésor pour honorer les efforts de Da Yu en vue de maîtriser les flots, tous ces objets d’art qui n’apportent qu’un plaisir sensuel sembleront risibles et vulgaires. »

Intitulée Da Yu maîtrisant les flots, cette grande œuvre d’art en jade est inspirée d'une fameuse peinture de la dynastie Song. Il fallut six ans pour la sculpter à Yangzhou. Une fois achevée, l’œuvre fut transportée à Beijing pendant la 52e année du règne de l’empereur Qianlong. Depuis lors, elle est restée dans le Hall du Bonheur et de la Longévité de la Cité interdite. Elle mesure 224 centimètres de hauteur sans tenir compte de sa base en bronze et 94 centimètres de large. Elle pèse 5.300 kilos et représente des montagnes, des cascades, des ruisseaux, des pins et des grottes. On peut y admirer beaucoup de travailleurs sur les bords des falaises et des précipices, qui peinent pour dévier les flots à travers les montagnes. Ce trésor inestimable fut d’abord transporté de Hetian à Beijing, puis par bateau jusqu’à Yangzhou et pour arriver finalement à Beijing. C’est le fruit de dix ans d'efforts de milliers de personnes et des dépenses importantes furent nécessaires pour le transporter et le sculpter.

Sous le règne de l’empereur Qianlong, la Cité interdite comptait plus d’objets en jade qu’auparavant.

La plupart des sculptures en jade de l’époque étaient lourdes et imposantes. Leur forme était généralement régulière et symétrique. Pendant cette période, la Chine développa un style impérial unique pour les objets en jade et les techniques de sculpture du jade étaient à leur apogée.

En Occident, ces objets sont associés à la Chine de l’époque au point que les objets en jade de la dynastie Qing des 18e et 19e siècles sont appelés « jades Qianlong ».

L’empereur Qianlong était passionné par les objets en jade comme le prouvent les 30.000 objets en jade du palais impérial dont la plus grande partie fut rassemblée par l'empereur. Il appela même son fils, qui allait régner sous le nom de Jiaqing, « Yongyan ».

En chinois, Yan signifie beau jade, et Yongyan avait 16 frères qui avaient tous reçu un nom lié au jade. L’empereur Qianlong était connu pour sa passion pour le jade.

Les trésors en jade préférés de l’empereur étaient conservés dans des boîtes spéciales appellées Baishijian.

Une Baishijian compte neuf niveaux et, à chaque niveau, il y a plusieurs tiroirs. Chaque objet en jade rangé dans le tiroir est renfermé dans une boîte faite spécialement, ayant exactement la forme de l’objet .

Œuvre de Ding Guanpeng, peintre de la cour, cette peinture est intitulée L’empereur en train d’admirer les trésors antiques. Les trésors qu’il admire sont évidemment des objets en jade.

Toute passion de l’empereur devenait immédiatement populaire parmi ses sujets de sorte qu’il y eut, à l’époque, une mode des collections d’objets en jade à l’intérieur comme à l’extérieur de la cour impériale. Ces objets étaient aussi choisis par les ministres comme cadeaux pour l’empereur.

Le 29 décembre 1754, dans la 19e année du règne de Qianlong, le prince Hongxiao offrait à l’empereur des objets en jade en guise de tributs. Et 37 ans plus tard, soit le 29 avril 1791, dans la 56e année du règne de Qianlong, le prince Heshuo offrait en guise de tributs à l'empereur des boîtes, des assiettes et des animaux en jade.

Une liste des cadeaux offerts à l’empereur par son ministre favori, He Shen, est conservée aux Archives historiques No.1 de Chine. Elle comprend des statues de bouddha , des assiettes à fruits et des brûle-parfums en jade. Voilà la signature de He Shen.

Un jour, pendant que l’empereur admirait les jades offerts par ses ministres, son attention fut attirée par une coupe. Elle avait l’apparence d’une coupe de la dynastie Han, mais au toucher quelque chose ne correspondait pas à l'époque. Méfiant, l’empereur Qianlong demanda conseil à Yao Zongren, un de ses artisans travaillant le jade. Après l’avoir vu, Yao s’écria : « Votre Majesté, cette coupe a été fabriquée par mon grand-père. » L’empereur Qianlong rappela cet évènement dans une note intitulée Histoire de la coupe de jade impériale ; en même temps il condamna Yao Zongren à payer une amende basée sur le temps requis pour fabriquer la fausse coupe : un mois serait équivalent à un mois de salaire. Pour deux mois, l’amende serait doublée.

Pour apprécier les objets en jade, il faut de l’expérience ainsi que du bon sens, mais on a perdu depuis longtemps toutes les archives sur certains objets en jade les plus anciens, si bien qu’il est difficile de comprendre ne serait-ce que leur usage. A cause de cela, mêmes les experts se trompent parfois. Même l’empereur Qianlong, avec toute son expérience, s’est parfois ridiculisé.

L’empereur était particulièrement fasciné par cet objet cylindrique en jade. Il avait étudié l’objet en détail et il avait fini par décider qu’il s’agissait d’une sorte d’outil que les peuples anciens utilisaient pour soulever des objets lourds : il l’appela Gangtou.

L’empereur Qianlong écrivit un poème pour exprimer son interprétation de cet objet en jade et le fit graver sur le cylindre en jade. Plus tard, certains de ces objets cylindriques en jade furent placés sur son bureau en guise de pots à pinceaux, tandis que d’autres furent fermé par des couvercles en bronze et il les gardait avec lui pour son plaisir.

Plus de 90 ans après la mort de l’empereur, Wu Dacheng, un expert du jade, découverit dans les archives que ceux que l’empereur Qianlong avait appelé Gangtou étaient en fait des objets utilisés par les anciens empereurs pour offrir des sacrifices à la Terre, tradition qui figurait dans les livres anciens. On les appelait Yucong.

Les objets en jade du Musée du Palais regroupent ceux fabriqués avant et pendant la dynastie Yuan, pendant la dynastie Ming et pendant la dynastie Qing. Parmi les premiers, on retrouve des antiquités allant du néolithique jusqu’à la dynastie Yuan. Les objets en jade sont les plus anciennes pièces des collections du Musée du Palais.

Cet anneau en jade en forme de bête est la plus ancienne pièce de jade de la Cité interdite, c’est un objet de la culture néolithique Hongshan. Il présente de nombreuses tâches sur la surface, ce qui est caractéristique des objets en jade très anciens. Cet anneau représente un animal sublimé et reflète donc l’adoration des peuples anciens pour les animaux.

Cet objet en jade remonte aux Royaumes combattants. Selon le Rituel des Zhou, on utilisait ce type d’objet pour offrir des sacrifices au Ciel.

Dans les temps anciens, les objets en jade étaient souvent utilisés pour les sacrifices parce qu’on pensait que cette pierre entretenait des relations mystérieuses avec la nature. Lorsqu’on commença à fabriquer des objets en jade, une attention particulière fut accordée aux conditions d’extraction du jade. La technique idéale pour la fabrication du jade extrait implique de ne pas l’abîmer mais d’en faire le meilleur usage.

La forme et la couleur du jade extrait sont souvent utilisées pour symboliser la compréhension simple des relations entre l’homme et la nature qui imprégnait les peuples anciens.

Cet objet de jade en forme de morceau de viande et ce chou-fleur vert en jade sont des réalisations habiles. La sculpture du morceau de viande a été effectuée en respectant la texture du jade brut, elle ressemble à un morceau de porc braisé dans une sauce brune. La partie verte du jade a été transformée en feuilles de chou et en insecte. Ces deux objets sont conservés au Musée du Palais à Taipei.

Un bol a été réalisé avec la partie centrale de ce morceau de jade et le reste a été transformé par un artisan de Suzhou en un objet appelé « Les dames à la porte de lune ».

Il représente un jardin de Suzhou orné de feuilles de bananier épaisses et de rochers magnifiques. Le cœur du jade brut est creusé pour représenter deux portes en forme de demi-lune, une jeune fille se trouve derrière chaque porte et regarde en cachette l’autre.

L’empereur Qianlong considérait que cette œuvre d’art magnifique était aussi précieuse que le Heshibi en jade de la période du Printemps et de l’automne.

Qu’il s’agisse de sceaux impériaux ou de simples décorations, ces objets en jade merveilleux furent transmis de génération en génération. Il est cependant regrettable que nous ne sachions pas qui les a réalisés. Cependant, le nom de Lu Zigang, un sculpteur de jade de la dynastie Ming, est bien connu.

Emission de CCTV-F

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