Tracey Grebinsky, reporter
Tout autour de moi, je vois des villas italiennes, des églises françaises, des châteaux anglais…c’est comme si je parcourais l’Europe dans une seule journée. En fait, je suis à Tianjin en Chine. A 120 km au sud-est de Beijing, le long de la baie de Bohai. Tianjin est l’un des plus grands ports de commerce extérieur de Chine du Nord. En 1860, un traité fut signé par l’impératrice douairière qui permettait aux étrangers de 9 pays différents de construire des bâtiments ici. Aujourd’hui, 150 ans plus tard, un certain nombre de ces bâtiments existent encore. Je vous propose maintenant d’aller les voir de plus près.
Si l’on découvre Tianjin, quartier par quartier, on a l’impression de traverser des pays entiers à pied. L’architecture issue du passé historique de Tianjin s’insère discrètement entre les artères de la ville et sont autant de vestiges de temps anciens où les gens de pays lointains ont reconstruit leur vie ici… Le port de Tianjin était une voie d’accès importante durant la dynastie Qing. En octobre 1860, à la fin de la seconde guerre de l’opium, le gouvernement des Qing fut contraint de signer le traité de Pékin avec la France et la Grande Bretagne. Cela permit d’ouvrir le port de Tianjin au commerce et de concéder des territoires aux puissances coloniales. Les années suivantes, certaines dispositions du traité permirent l’ouverture de 11 autres ports chinois au bénéfice des Occidentaux.
Par voie de conséquence, d’autres nations comme la Russie, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, le Japon et les Etats-Unis signèrent des traités similaires avec la Chine. Ces 8 concessions étrangères changèrent durablement la physionomie de la ville.
Chacune de ces concessions a reproduit intra-muros une culture et un monde bouillonant de vie, coexistant à côté du monde chinois. Chaque pays a fait appel à de grands architectes pour que leurs réalisations soient à l’image de ce qui se faisait de mieux chez eux. C’est ainsi que Tianjin est devenu le centre diplomatique et culturel de la Chine de l’époque. Ces influences étrangères n’ont pas seulement changé l’aspect de la ville, mais ont également fait prospérer l’industrie. La ville a connu un essor démographique considérable et elle est devenue un centre financier de premier plan.
Me voici dans la rue Jiefang, jadis considérée comme le Wall Street de Tianjin. Centre à la fois commercial et banquaire depuis une centaine d’années, il ne reste plus aujourd’hui que 10 banques sur les 37 qu’il y avait à l’époque. Cette rue n’a pas seulement connu la première bourse, mais aussi la première installation téléphonique, la première installation électrique, des canalisations d’eau et le tout-à-l’égout…bref, tout ce qui a constribué à la modernisation de la Chine que nous connaissons aujourd’hui.
Cette rue où l’architecture classique prédomine, a été le principal axe commercial et bancaire de l’économie de la ville pendant plus de 100 ans. A partir de 1895, les étrangers ont eu le droit d’investir et d’ouvrir des banques agréées. Ainsi, on peut y trouver la banque d’Inde, la banque d’Australie et la banque de Chine. Grâce à ces solides bases financières, Tianjin a commencé à jouir d’une réputation mondiale. Vers 1940, cette rue était devenue le centre financier de la 3ème plus grande ville de Chine. Quand on parcourt la rue aujourd’hui, on peut non seulement se rendre compte des influences multiculturelles de ce quartier, mais aussi du pouvoir que symbolisaient autrefois ces bâtiments. C’est un peu aussi ce que l’on ressent aujourd’hui quand on se trouve dans le quartier des affaires de Beijing ou de Shanghai : il y règne une grande solennité.
Nous voici devant l’hôtel Astor :à ces débuts appelé l’hôtel Richard, il s’est ouvert en 1863. Il a été le premier hôtel de luxe étranger non seulement en Chine, mais dans tout l’Extrême Orient. Si l’on observe la façade, on peut facilement reconnaître le classicisme victorien, superbe, non ?Il est toujours en activité de nos jours, alors, allons y jeter un coup d’œil.
La recherche de mondanités et le contexte historique de l’époque a fait de cet hôtel un point de rencontre entre la Chine et le monde occidental. Depuis plus de 100 ans, l’hôtel Astor a vu se croiser certaines des personalités les plus influentes du monde chinois et étranger. Jouissant d’un grand prestige, l’entretien constant dont il a bénéficié a permis à cet hôtel d’offrir un luxe incomparable pour son époque. Situé en face d’un parc superbe, l’hôtel Astor était un oasis de confort.
C’est le seul hôtel en Chine à être classé monument historique : la porte d’entrée de l’hôtel Astor a été préservée telle quelle, le parquet, ce magnifique escalier, le plafond…et même le hall sont d’époque. C’est vraiment incroyable de penser que tant de gens ont emprunté cet escalier depuis un siècle, regardez, c’est superbe !
Quand on déambule dans l’hôtel aujourd’hui, le passé est omniprésent : la plus grande partie du bâtiment et du mobilier a été conservée. Les mêmes peintures ornent les murs, les meubles ouvragés agrémentent l’espace, les riches décorations du plafond ravissent le regard et cette rampe d’escalier sculptée à la main nous invite à la suivre. Les vicissitudes de l’histoire ont bien sûr apporté leurs lots de changements, mais l’hôtel Astor a toujours su garder son charme.
Je pense que de toutes les pièces de l’hôtel, c’est celle-ci que je préfère, c’est si beau ! Tout a été conservé tel quel, même la couleur qu’ils avaient choisie, les peintures, les frises magnifiques qui courent près du plafond, …et si vous regardez tout en haut, vous pouvez voir ce grandiose dôme de verre qui laisse passer la lumière naturelle. Cet endroit est si agréable, je voudrais pouvoir y passer toute la journée !
Avec cette chaude lumière matinale au-dessus de ma tasse de café, on peut facilement voir que rien n’a été laissé au hasard : comme s’il s’agissait d’une œuvre-d’art non encore élucidée, chaque fois que mon regard se pose sur un détail, une nouvelle beauté m’apparaît. Je suis d’ailleurs fascinée par les volutes du plafond qui font porter le regard jusqu’à l’énorme dôme de verre. Chacune de ces décorations ouvrée requiert la plus grande attention. C’est d’ailleurs grâce à ces détails que l’hôtel Astor a été classé par le bureau national de la protection du patrimoine.
Nous allons maintenant découvrir la suite présidentielle. On dit d’ailleurs - mais ça reste à prouver – que le docteur Sun Yatsen, premier président de la Chine comme vous le savez, a logé ici …. Voilà donc un charmant petit cabinet de travail avec quelques photos de lui jeune. Sur celle-ci, il n’avait pas plus de 18 ans.
Dans la pièce attenante, nous avons un vaste bureau avec une grande table de réunion. C’est ici qu’il a rencontré de nombreux hommes politiques, à la fois chinois et étrangers et que de grandes décisions ont été prises …il y a aussi un écritoire sur le côté. Mais je pense que ce qu’il y a de plus agréable, c’est le petit parc que l’on peut voir de la fenêtre. Très joli !
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